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Les Dohbis de Bombay

Submitted by on dimanche, 18 octobre 2009No Comment

Nous avons longtemps attendu avant de pouvoir rencontrer les Dohbis de Bombay, ces laveurs de linge « héritiers » d’un système mis en place par les Britanniques au XIXème siècle.

Leur proximité géographique avec la maison de Gandhi a fait que nous avons planifié la découverte des 2 sites, l’un après l’autre, sans anticiper le fait que la lutte du Mahatma, notamment contre la pauvreté et pour l’égalité des droits, avait elle aussi débuté il y a plus d’un siècle.

Sans que la condition de ces esclaves modernes n’ait depuis évolué d’un brin…

Notre ami Indien ne voulait pas se rendre « là-bas » expliquant que c’était dangereux et très sale ; pendant notre discussion sur le sujet nous lui avons demandé combien de fois il y était allé, nous avons été plus que surpris d’entendre :

« Oh, jamais ! »

Ici aussi, les préjugés ont la peau dure….

A l’image de celle de ces gens qui passent 10 mois de chaque année à laver du linge, 500 pièces par jour et par personne, soit 1 million quotidiennement pour l’ensemble du site.

O80413-Site2

Leur « domaine » se situe entre la voie de chemin de fer et des routes congestionnées qui finissent de ceinturer le périmètre qui leur est attribué, dire que le bruit et la pollution sont omniprésents est un pauvre euphémisme.

Pauvres comme ces êtres humains qui 16 heures sur 24 travaillent sous un soleil de plomb avec des produits chimiques qui leur rongent la peau. Pauvres parmi les pauvres, séparés de leurs familles qu’ils ne retrouvent que pendant les 2 mois de mousson qui noient le site sous plus d’un mètre d’eau, le rendant en grande partie inutilisable.

O80413-Cubicles

Malgré les réticences de notre ami qui ne comprenait absolument pas notre intérêt pour ce visage de l’Inde, nous nous y sommes rendus en famille.

Lors de notre arrivée, nous nous sommes présentés et avons demandé s’il était possible de découvrir leurs installations, après quelques instants de flottement, un jeune homme sympathique est arrivé et nous a expliqué qu’ils avaient créé une sorte de syndicat qui gérait les aspects communs, les visites en faisant partie.

Après avoir payé une somme très modeste, nous avons été conduits à travers cette machine à laver géante dont les rouages sont faits de chair et de sang…

O80413-People

Chaque personne est responsable d’une cuve de lavage qui va même lui servir occasionnellement de baignoire, ceci malgré les produits chimiques ! J’imagine que cela ne fait pas une grande différence pour les Dhobis qui sont en contact avec ces « poisons » tant d’heures chaque jour…

O80413-Bath

Les différents types de linge sont répartis selon le traitement dont ils ont besoin, la section la plus sensible étant celle en provenance des hôpitaux qui nécessite d’être bouillie dans des grandes cuves chauffées avec du charbon de bois.

Afin de ne rien perdre et parce que l’électricité est trop chère, une fois le linge bouilli, le charbon de bois est récupéré et utilisé pour repasser.

Par plus de 40°…

O80413-Iron

Contrairement aux craintes de notre ami, nous avons été merveilleusement accueillis, la richesse du cœur n’étant pas un vain mot chez eux. Presque tous nous adressant qui un sourire, qui un signe de la main quand ce n’était pas une poignée de main ou une plaisanterie à destination des enfants.

O80413-Man

Il ne faut pas croire qu’ils sont résignés, bien au contraire mais ils sont pauvres, très pauvres ; ils proviennent de villages pour certains très éloignés de Bombay et travaillent comme des forçats pour nourrir leurs familles dont ils ne peuvent faire autrement que d’être séparés.

Ils pestent contre les « entrepreneurs » qui avec un simple camion font des tournées et ramassent du linge qu’eux Dhobis devront laver pour une roupie par pièce quant « l’autre » va en facturer cinq pour s’être juste « promené » assis dans son véhicule, « climatisé » ont-ils même précisé.

Ils ne comprennent pas ce qu’ils ont de moins que les autres mais dans l’attente que cela change, ils vont au bout d’eux-mêmes et travaillent, travaillent, travaillent pour que les leurs puissent avoir une vie plus décente.

Nous sommes fiers de les avoir rencontrés et d’avoir pu échanger avec eux, ce sont des gens remarquables, sans doute trop puisqu’ils ne se révoltent pas et acceptent leur sort, leur fatigue les incitant à profiter de chaque possibilité pour récupérer quelques minutes plutôt que de remettre en question le système…

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Nous étions très émus en quittant le Mani Bhavan, vous imaginez dès lors sans peine le choc qu’a pu représenter cette plongée aux origines de la quête du Mahatma ; un siècle plus tard soit 4 générations, ses cris d’indignation semblaient retentir avec la même non-violence en produisant un écho désespéré au milieu de nos frères.

Frères selon la biologie, moins que rien selon l’économie, cela rime mais que cette rime est triste ! Parce qu’il me faut vous dire que des enfants vivent et travaillent chez les Dhobis, ceci dès l’âge de 10 ans…

Les défenseurs des Droits de l’Homme s’accordent tous sur un droit fondamental, celui du Droit au Respect, cette mondialisation triomphante en est la négation absolue.

J’invite chacun de ses théoriciens à m’accompagner pour rencontrer les Dhobis qui leur démontreront par l’exemple ce qu’elle est en pratique car leur micro société est une preuve accablante de son inadéquation totale et du danger létal qu’elle fait courir à notre espèce.

Pour le reste, si vous vous rendez « là-bas », réjouissez-vous ils n’ont rien mais ils vous donneront tout, à commencer par leur amitié…

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Bonne continuation à eux et à vous, pourquoi d’ailleurs faire une distinction ? Ce sont des « nous » juste nés au mauvais endroit…

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