L’Égypte est-elle désormais libre ?
A l’unisson de tant de dirigeants mondiaux qui se réjouissent du départ de Hosni Moubarak, les démocrates arborent un sourire entendu ce matin, mais…
… n’étaient-ce pas ces mêmes dirigeants qui considéraient le « tyran » d’aujourd’hui comme un partenaire fiable et important hier ? N’étaient-ce pas les USA qui ont déversé pendant plusieurs décennies des milliards et des milliards de dollars en Égypte ?
N’est-ce pas l’armée qui reprend la main ? S’agit-il vraiment d’une révolution et du retour au peuple du pouvoir qui lui avait été confisqué ? Ou le jeu reste-t-il le même avec d’autres joueurs ?
Les égyptiens font légitimement la fête, ils ont obtenu un premier résultat extraordinaire mais lorsqu’ils se réveilleront, qu’est-ce qui aura vraiment changé ?
La situation économique va-t-elle être drastiquement améliorée grâce à la confiscation des 40 (.. à 70, selon les estimations) milliards de dollars accumulés par la famille Moubarak ? Le prix du pain va-t-il baisser ? Nous pouvons déjà répondre « non » à ces 2 questions puisque malgré que le « dictateur » ait laissé son poste, il a bien précisé qu’il ne comptait pas quitter « son » pays et personne ne lui a demandé de rendre l’argent.
A ce propos, saluons la décision du gouvernement helvétique de bloquer préventivement les éventuels fonds qu’il pourrait avoir déposés en Suisse, ceci afin de prévenir tout détournement de ce qui sera peut-être bientôt revendiqué comme l’argent du peuple égyptien.
Je me demande si d’autres pays oseront prendre la même mesure, les États-Unis par exemple…
Ma crainte est que la pression exercée par l’administration américaine sur son ex plus précieux allié du monde arabe, pour qu’il quitte la présidence, n’ait d’autre ambition que de tenter de freiner le remodelage complet de la région. Une sorte d’action panique, pas vraiment réfléchie puisque que pas du tout anticipée.
Panique, comme l’état de nerfs du gouvernement israélien qui voit se mettre en place autour de lui le pire scénario qu’ils n’ont même pas osé imaginer. Quelques éléments d’inquiétude parmi beaucoup d’autres : une puissance nucléaire en devenir (Iran), des milliers de missiles (Hezbollah, Liban), des millions de combattants à leurs portes et la quasi totalité des pays de la région qui s’oppose à leur politique.
En résumant la situation de ce samedi 12 février 2011, Hosni Moubarak a cédé à la pression conjointe de la rue et de ses alliés américains et se retire dans ses terres dorées avec ses milliards, dans la foulée ceux qui sentaient le soufre il y a encore une semaine, les Frères Musulmans, se voient entrouvrir les portes du dialogue et des futures élections, tout ceci sous le contrôle serré de l’armée qui désormais reconnaît concentrer tous les pouvoirs.
J’espère de tout cœur qu’en Égypte comme en Tunisie, en …, en … , et en … les semaines à venir verront un processus démocratique s’installer profondément et que ces populations courageuses et dignes ne seront pas flouées par le simple remplacement d’un dictateur par un autre. Qu’il s’agisse d’un homme ou d’un système.
Parce que lorsque j’entends les grands dirigeants internationaux pusillanimes faire des discours sur ces événements, je ne peux m’empêcher de penser à Cocteau :
« Puisque cette situation nous dépasse, feignons de l’avoir organisée… »
Bonne fin de semaine à tous