Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux
Nous avons tous déjà entendu cette devise qui accueillait les visiteurs du Temple de Delphes, il y a bien longtemps, mais l’avons-nous comprise et en faisons-nous quelque chose ?
Tous les jours, nous croisons des personnes mal dans leur peau, agressives, tristes, aigries, revanchardes envers la vie, incapables de la moindre remise en cause, ayant oublié que la seule course qui ne s’arrête jamais est celle qui consiste à se dépasser, à affronter ses peurs, ses manques, ses erreurs pour trouver la paix et l’harmonie avant le « grand saut vers l’Ailleurs »…
Se connaître pour se comprendre et pour comprendre les autres et notre destin, magnifique perspective.
Je ne prétends rien et à rien mais mon modeste parcours de vie m’a sans doute rendu plus sensible à ces interrogations que ceux qui ont eu la « chance » d’une trajectoire à première vue moins heurtée.
Tombé gravement malade peu de temps après ma naissance, j’ai passé plusieurs mois dans une chambre stérile à l’hôpital, sans aucun contact possible avec quiconque. On m’a raconté que j’étais alors nourri par une sonde qui a été successivement placée dans une veine de ma tête puis de ma cheville lorsque la première voie s’est perdue.
Un bébé bougeant quand même beaucoup, il a fallu m’immobiliser en m’entravant et en bloquant mon crâne entre des sacs de sable. Ma mère ne pouvait que venir pleurer en me regardant à travers la vitre qui séparait ma chambre du reste du monde… normal.
A cette époque, on pensait encore que les bébés n’étaient qu’un ventre qu’il s’agissait de remplir pour que le reste se développe correctement. Incapable de garder la moindre nourriture, j’étais considéré comme perdu et je n’ai pas pris de poids pendant des semaines et des semaines.
Puis, après plus d’une centaine de jours de désespoir et autant de visites sans contact, une amélioration s’est produite et le ventre s’est révélé entouré d’un être qui s’accrochait à cette existence dont il ne connaissait pourtant encore rien.
Ma vie a alors vraiment commencé vers 9 mois lorsque ma mère a pu enfin me prendre dans ses bras.
De ce déséquilibre initial, de ce manque total de tendresse sont nés des besoins immenses que j’étais bien en peine de maîtriser, de comprendre, à fortiori d’expliquer, l’auteur de mes jours a choisi de me répondre avec force, c’est vrai qu’il est plus aisé de cogner que de s’assoir avec l’autre et de lui parler.
De mots, il n’y eut pas beaucoup, au contraire des maux…
J’ai fugué pour la première fois à 9 ans et ai tenu une semaine avec un périple qui m’a fait traverser la Suisse… Bien d’autres péripéties ont marqué mon enfance, j’en parlerai certainement un jour, ce n’est pas l’objet de cette chronique.
Non, aujourd’hui, à l’aune de cette expérience personnelle, je voudrais exprimer mon admiration pour mes garçons qui sont des types fantastiques, chacun à leur façon, chacun dans leur vie. Les aînés m’ont déjà donné des millions de pas sur les Chemins de Compostelle et de Rome et j’espère qu’il m’en donneront encore lorsque je partirai pour Jérusalem. Ils ne le savent pas encore mais un seul de ces pas vaut des millions de kilomètres, une seule goutte de sueur est un océan de questionnement, une seule larme est une source de connaissance…
Connais-toi toi-même…
Je conclus avec une anecdote sur mes cadets, récemment nous nous trouvions vers un grand et profond réservoir d’eau souterrain et il était possible d’aller s’y baigner grâce à un étroit trou d’homme. Bien entendu, il n’était ni éclairé, ni chauffé et les autres adultes présents ont décliné la proposition avec des « Moi, descendre là-dedans ? Jamais ! ».
J’ai posé la question à mes garçons et avant même d’avoir pu terminer, ils acceptaient avec enthousiasme. Nous y avons passé un moment incroyable…
Quel bonheur, quel fierté, de les voir s’ébattre dans cette obscurité, paisibles et heureux. Socrate aurait été sans doute été satisfait de les voir considérer cette eau comme un des fleuves du Paradis plutôt que le Styx.
Connais-toi toi-même…
7 années de thérapie avec un être rare autour de la trentaine, une femme merveilleuse parce qu’écoutant toujours et ne jugeant jamais, l’amour donné et reçu des miens, quelques années de plus, l’aide active des chemins de Compostelle et de Rome sont parvenus à apaiser l’enfant apeuré qui s’agitait en moi. Alors, voir mes enfants en harmonie avec eux-mêmes et le monde est une des plus grandes joies que je puisse ressentir.
Rien n’est gagné parce que rien de dure jamais mais eux sont bien partis…
Bon dimanche, à demain